Résolutions politiques et juridiques du conflit syrien (2011-2022)

Par Khaled MEBARKI

Cette synthèse a été réalisée dans le cadre d’un stage au sein du programme ANR SHAKK, sous la direction d’Anna Poujeau.

Notre recherche sur les résolutions juridiques et politiques dans le conflit syrien se fonde sur une large variété de sources documentaires. Ces différents types de sources (les textes officiels adoptés ou refusés aux Nations Unies, les minutes des débats et échanges solennels, les communiqués de presse des différentes parties avant et après les sessions de réunion du Conseil de sécurité, etc.) permettent de reconstituer les grandes lignes des doctrines géopolitiques à l’œuvre autour de la Syrie, mais aussi les intérêts stratégiques des différents acteurs qui se sont affrontés au gré de l’évolution du conflit. Si la guerre a connu différentes phases sur le terrain, les arènes internationales que constituent les Nations Unies et son Conseil de sécurité sont aussi des lieux d’affrontement. L’analyse des résolutions adoptées mais aussi des projets de résolutions restés à l’état de projet, leur contextualisation à l’échelle syrienne et internationale, permet une meilleure compréhension des intérêts complexes en jeu lors des succès et des échecs du Conseil, en particulier par le biais de l’étude des positions de vote. Leur examen permet de mettre en lumière les imbrications diplomatiques à l’œuvre et les relations de dépendance qui prévalent entre les États. Cette approche confirme qu’au-delà des résolutions ayant pour objet un règlement partiel, local voire sectoriel du conflit syrien, une solution globale reste à ce jour extrêmement ambitieuse voire impossible tant les positions sont antagonistes et tranchées.

Cette première étape de recherche documentaire permet de saisir à quel point depuis 2011 la Syrie est un lieu de rencontre et d’affrontement pour de multiples acteurs qui jouent chacun leur partition suivant leurs intérêts propres. Un pays où toutes les tractations sont désormais possibles, notamment en ce qu’il s’agit de la condamnation des crimes commis. Face à ce constat, la deuxième étape de notre recherche s’intéresse aux entreprises de justice visant à la condamnation des responsables de tous bords de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité perpétrés durant le conflit. À ce stade, il apparaît que c’est pour faire face aux obstructions russes au Conseil de sécurité et à l’impossibilité d’engager des poursuites à la Cour pénale international (Damas n’ayant pas ratifié le traité fondant la CPI) que la communauté internationale à travers l’Assemblée générale des Nations Unies, a créé en décembre 2016 un Mécanisme international d’enquête en Syrie qui doit permettre de faire la lumière sur les faits en qualifiant et en définissant les responsabilités des violations les plus graves du droit international commises en République arabe syrienne depuis mars 2011. Les enquêteurs et observateurs de l’ONU étant empêchés de mener à bien leur mission en raison de l’impossibilité d’enquêter sur le sol syrien, nous comprenons qu’à ce jour il s’agit essentiellement d’un travail de collecte et de sauvegarde de preuves et de témoignages des victimes en vu d’une traduction en justice des responsables. Nous considérons aussi que si ce mécanisme judiciaire s’avère incapable à ce jour de juger les crimes perpétrés depuis 2011, il représente tout de même une menace réelle pour les criminels syriens de se voir tenus un jour responsables de leurs crimes et il peut renforcer les accusations portées à l’encontre des accusés lors de procès pénaux menés à l’aune de la compétence universelle. Une mise en accusation qui a pu aboutir, notamment en Allemagne où ont été jugés des individus responsables de crimes en Syrie arrêtés en Allemagne et en France. Le travail de documentation est mené notamment par des ONG syriennes et internationales qui ont fait de l’accountability leur sujet en compilant les documents de preuve, en formant des Syriens à l’enquête de terrain et en travaillant de concert avec les juridictions saisies. Même s’il souffre de tentatives d’étouffement, ce travail d’enquête demeure tout à fait essentiel et servira possiblement de fondement à de futures initiatives de justice.

Dès lors, dans quelle mesure l’unité et le soutien affichés par les alliés de la Syrie jusque-là sont infaillibles ? Que nous dit le cas syrien sur les modalités de soutien à un régime criminel sur la scène internationale ? Le travail de sape de grande ampleur mené dans les cénacles de la diplomatie mondiale allié à l’impossibilité de mener des enquêtes de terrain impartiales rendent-ils impossible la collecte d’éléments même embryonnaires pouvant servir de jalons à une justice à venir ? Chemin faisant, les initiatives sur l’accountability permettent-elles de menacer le sentiment d’impunité des criminels ?

Pour citer ce travail : Khaled MEBARKI, « Résolutions politiques et juridiques du conflit syrien (2011-2022) », Carnets SHAKK, https://shakk.hypotheses.org/reso/, le 15 juillet 2022.